Le code pénal dans 30 ans, quelles perspectives ? Vers un livre dédié aux crimes et délits contre la Nature

Contribution parue dans l’ouvrage « le code pénal de 1994, 30 ans d’application et d’évolution » – Editeur LexisNexis – date de parution: 28 mai 2025 EAN: 9782711042111

Je me réveillerai, et les lois et les mœurs auront changé (Arthur Rimbaud)

On ne résout pas un problème avec les modes de pensée qui l’ont engendré (Albert Einstein)

Les biens que l’on s’approprie sont aussi des milieux où séjourne l’espèce humaine (Sarah Vanuxem[1])

Interroger les perspectives du code pénal dans 30 ans renvoie à un temps paradoxalement aussi proche qu’indéchiffrable tant la somme annuelle de transformations du monde se densifie chaque année.

C’est comme si une année de maintenant en valait quatre d’il y a trente ans, d’où ce sentiment d’accélération.

Difficile dans ces circonstances d’anticiper un besoin, une attente sociale quant au contenu et à l’évolution du code pénal qui constitue un corpus central et très signifiant de notre contrat social.

L’exercice autorise donc d’imaginer comment notre société aura résolu des questionnements qui lui paraissent aujourd’hui à la fois centraux et insolubles.

Le premier sujet qui émerge réside dans le développement de l’IA et des machines autonomes et la généralisation de leurs usages.

Les perspectives d’une justice robotisée ou de machines responsables inspirent autant l’imagination que les craintes des juristes qui se sont rapidement questionnés sur la pertinence à créer une personnalité juridique adaptée à des machines autonomes, notamment pour répondre au besoin de maitriser les risques d’usage.

Le Parlement européen dans une résolution du 16 février 2017[2] relative aux règles du droit civil de la robotique proposait de créer à terme une personnalité juridique spécifique aux robots.

Mais depuis lors, la majorité de la doctrine s’est accordée sur les dangers et le non sens (autre que narcissique ?) d’une telle évolution[3].

Ce débat a eu en tous cas le mérite de remettre en avant l’une des fonctions de la personnalité juridique qui est aussi de protéger les personnes qui en sont dotées[4].

L’autre grand questionnement de notre société actuelle porte sur sa capacité à maitriser et endiguer d’ici 2050, dans trente ans donc, les dérèglements climatique et environnementaux dont elle est responsable.

Projetons nous en 2054 et imaginons que l’humanité soit parvenue à cet objectif.

Compte tenu des changements profonds que cela suppose, quels en seraient les impacts sur notre code pénal ?

Les juristes le savent, le droit est le reflet de la société humaine dont il est issu et son étude permet d’en apprendre beaucoup sur celle-ci[5].

Sa pratique procure aussi une occasion d’observer comment le changement opère au travers d’un dialogue constant entre la société et le droit qui la régule.

Ce dialogue met en mouvement l’état de droit dont la structure assure la pérennité de notre contrat social et de la paix civile tout en intégrant le changement en continu, notamment au travers de la Justice.

A l’appui de cette double expérience d’étude et d’action, il est donc possible d’imaginer à quoi ressemblerait le droit en général qui régulerait une société humaine parvenue à tenir ses grands rendez-vous climatiques fixés à dans 30 ans, que ce soit pour la neutralité carbone[6], la restauration de la biodiversité[7], des milieux écosystémiques et des océans[8].

Le code pénal est composé de sept Livres dont quatre concernent les grands domaines que la loi pénale protège, savoir les personnes, les biens, la nation et nous avions failli l’oublier, les lois et coutumes de la guerre.


L’un des signes qui pourraient signifier pour l’observateur de 2024 la réussite de ces grands rendez-vous climatiques serait de voir introduit dans le code pénal d’ici 30 ans un Livre entier dédié aux crimes et délits contre la Nature.

Ainsi posée, cette prospective interpelle rétroactivement le juriste du présent qui mesure la distorsion entre la propension répressive en général des dispositions touchant à l’environnement et leur absence totale dans le code pénal actuel.

    I.         Le droit de l’environnement, un droit répressif mais absent du code pénal

C’est un constat certainement signifiant : les quelque 2000 infractions au droit de l’environnement sont prévues et réprimées dans de nombreux codes (de l’environnement bien sur, mais aussi rural et de la pêche maritime, forestier, minier, de l’urbanisme, de la santé publique, de l’énergie etc…)

Aucune de ces infractions, même pas l’écocide codifié aux articles L. 231-1 et suivants du code de l’environnement, n’est actuellement prévue et réprimée par le code pénal.

Comme signe d’évolution, il est d’ailleurs intéressant d’observer que l’écocide vient d’être intégré au nouveau code pénal belge publié au Moniteur le 8 avril 2024[9].

En France, le législateur a créé voilà presque 25 ans le code de l‘environnement[10] dont les dispositions générales, notamment son article L. 110-1 qui énonce le principe de nature comme patrimoine commun de la nation, se sont fortement étoffées.

Il a également doté notre bloc constitutionnel d’une Charte de l’environnement dont le préambule énonce plusieurs principes essentiels dont il découle selon le Conseil Constitutionnel que la protection de l’environnement, patrimoine commun des êtres humains, constitue un objectif de valeur constitutionnelle[11].

Mais 25 ans plus tard, le droit de l’environnement demeure un droit éclaté, « ventilé ».

Le code de l’environnement demeure truffé de renvois et sa lecture nécessite toujours d’avoir à disposition une quinzaine d’autres codes, du code de l’urbanisme en passant par le code rural et de la pêche maritime, le code forestier, le code minier, voire le code des douanes et plus récemment le code de l’énergie[12].

Le conseil général de l’inspection générale de la Justice (devenu IGEDD) et l’inspection générale de la Justice préconisaient dès 2019 dans un rapport commun de faire rentrer dans le code pénal les incriminations environnementales les plus graves issues de ces différents codes[13].

La démarche de ces deux inspections qui a abouti à l’élaboration de 21 recommandations était déjà guidée par le constat d’une difficulté certaine à parvenir à mobiliser de manière coordonnée les services administratifs en charge de la police de l’environnement avec les magistrats de l’ordre administratif et judiciaire et par une réparation jugée non satisfaisante du préjudice écologique sur le plan civil[14].

Mais outre le fait que cette proposition est essentiellement guidée par une logique de recodification à droit constant et demeure très éloignée de la création d’un Livre entier du code pénal dédié aux infractions contre la Nature, elle ne résout pas la problématique de l’éclatement des quelques autres 2000 infractions environnementales réparties dans le code rural et de la pêche maritime, le code forestier et autre code minier.

Ceci étant, l’énoncé dans ce rapport de la problématique à résoudre interpelle : comment améliorer la réparation du préjudice écologique au plan civil ?

  II.         Une approche technique de la norme environnementale qui traduit une vision utilitariste de la nature

En repartant du constat initial que le droit est le reflet des évolutions de la société[15], nous avons tous constaté en début d’année 2024 au travers du mouvement des agriculteurs la faible acceptabilité, voire l’hostilité à l’encontre de ce qui est décrit comme un empilement sans fin de normes environnementales dont il est devenu impossible de discerner un objectif global et cohérent.

Le sujet n’est pourtant pas nouveau puisqu’il était déjà abordé dans un rapport d’information sénatoriale du 29 juin 2016[16].

Le constat s’impose donc d’une contradiction entre d’une part une production pléthorique de normes environnementales disséminées dans des législations et autres codes épars, et d’autre part une efficacité d’ensemble très réduite, tant leur mise en œuvre semble insurmontable pour les acteurs concernés, voire pour les autorités chargées de les faire appliquer.

Le « reflet » de notre société qui en ressort semble révéler un paradoxe strictement impossible par lequel agriculture (et en creux, développement humain) et écologie ne seraient pas compatibles[17].

Un tel constat rappelle une série d’études publiées à la Semaine juridique édition générale en 2018 sur le thème « où va le droit ?», questionnement qui suggère selon Jacques Commaille que nous nous trouvons à nouveau dans un contexte historique exceptionnel[18].

Baptiste Morizot dans son ouvrage L’inexploré décrit des interrogations similaire sur notre rapport au vivant et propose de qualifier ce contexte historique par référence à la cosmogonie animiste : « le temps du mythe », un temps où sont remis en jeu les statuts et les relations entre toutes les entités[19], vivantes ou non.

Peut être y a-t-il lieu d’entendre ainsi notre « contexte historique exceptionnel ».

III.         Une approche conceptuelle du droit éloignée des principe des sciences du vivant

Le droit est aussi une science.

Comme dans tout raisonnement scientifique, lorsqu’un raisonnement ou une construction mène à un paradoxe insoluble, une contradiction irréductible, voire une conclusion visiblement impossible, il faut réinterroger les postulats de départ, et en l’occurrence la vision de la nature qui guide le législateur dans cette production légistique tant décriée.

Notre vision traditionnellement utilitariste et fonctionnelle de la nature commence à être questionnée dans les laboratoires de recherche, et pas seulement ceux spécialisés dans les sciences dites dures[20].

Les juristes et les économistes notamment se questionnent par exemple sur la vision encore trop largement partagée dans leurs domaines respectifs d’une Nature qui serait seulement environnante et dès lors uniquement valorisée au profit de l’humain qui se situerait donc en dehors de celle-ci.

Ces questionnements qui semblent novateurs, voire disruptifs dans ces deux sciences sociales que sont le droit et l’économie ont pourtant été résolus de très longue date par toutes les disciplines relevant des sciences de l’environnement et du vivant, pour lesquelles la pérennité de l’espèce humaine réside dans la préservation des écosystèmes dont ils sont parties intégrantes et qui assurent leur survie.

Tous les quatre ans, l’institut du CNRS « écologie et environnement », l’un des dix instituts composant la direction scientifique de cet établissement de recherche, réunit sa communauté scientifique pour présenter les grandes avancées de ses recherches menées dans ses laboratoires et identifier les nouvelles disciplines et thématiques à soutenir dans les cinq années à venir.

Nous sommes loin, ici, des milieux militants.

Parmi les orientations à approfondir selon cet institut qui a contribué à l’émergence des fondements de la science de la durabilité adoptée par de multiples institutions et organismes de recherche à travers le monde, beaucoup visent clairement à enrichir l’étude des socio-écosystèmes, c’est-à-dire des écosystèmes compris en y incluant la présence et l’interaction des sociétés humaines dans l’objectif de décrire et restituer un niveau d’intégration supérieur et plus réaliste du monde vivant[21].

Ces travaux témoignent d’une orientation claire vers l’approfondissement des études des modèles non humains identifiés comme cohabitant avec les humains et susceptibles de se trouver en conflit d’usage des milieux ; nous sommes donc loin dans ces recherches de tenir ces modèles non humains comme simples éléments environnants qui pourraient subir sans conséquences les pressions du développement humain[22].

L’étude de la coviabilité humains/non humains (cohabitation et coévolution) y est clairement identifiée comme une orientation nécessaire[23].

La nécessité y est aussi identifiée d’engager des réflexions en droit autour de l’attribution de droits à des entités écologiques, dans l’objectif assumé par la communauté scientifique de contrebalancer une tradition d’appropriation et d’utilisation des non humains par les humains, au risque d’un déséquilibre d’ensemble susceptible d’enrayer les perspectives d’adaptation et de résilience à court, moyen et long terme[24].

En clair pour les scientifiques, les humains sont une composante parmi d’autres de la biodiversité, ce qui impacte nécessairement le sens que l’on prête à l’idée de protéger celle-ci, de même qu’est impactée la conception que l’on se fait de l’appropriation de la Nature, que celle-ci soit sociale, collective, ou individuelle.

Dans le domaine du droit, même les énoncés textuels les plus proches de cette réalité scientifique demeurent anthropocentrés.

Que ce soit le préambule de la charte de l’environnement ou l’article L. 110-1 du code de l’environnement, dans le meilleur des cas, l’ensemble des processus vivants qui assure la survie de notre espèce constitue un « patrimoine » certes commun, mais dont l’intitulé renvoie bien au concept de possession, de disposition au profit des êtres humains.

C’est ce concept de patrimoine commun de la Nation qui constitue le guide actuel d’élaboration d’un système de protection de l’environnement et de modalités de réparation du préjudice écologique, déjà reconnu comme insuffisamment efficace[25].

En France, la chercheuse Marie Angèle Hermitte, docteure en droit, défend depuis longtemps la Nature comme sujet de droit[26].

Bien que moins « médiatisé » que le débat ayant porté sur l’attribution de la personnalité juridique à des machines, le sujet à propos d’écosystèmes ou autres entités non humaines fait son chemin dans le monde entier.

A la différence des machines autonomes, l’objectif de cette proposition n’est plus de résoudre des problématiques de responsabilité mais uniquement de permettre d’accéder à un niveau de protection de l’environnement adapté aux besoins de la réalité telle que nous la décrit le monde des sciences dites dures.

Le concept de bien commun nécessite en effet une attention et une responsabilité qui pèsent entièrement sur les humains bénéficiaires des services écosystémiques identifiés à l’article L. 110-1 du code de l’environnement.

Nous serions ainsi censés partager une connaissance suffisante des besoins d’un écosystème et arbitrer sans erreurs et sans biais les conflits entre notre développement, le développement humain auquel nous participons et la préservation des équilibres de la nature.

Un tel arbitrage ne serait il pas en quelque sorte assaini par la personnification processuelle de la nature dont l’expression propre des besoins serait plus pleinement assurée ?

La pratique du droit commun de la responsabilité civile dont l’objet est de permettre la réparation d’un préjudice est par défaut fondée sur l’initiative procédurale de la victime et si celle-ci est incapable juridiquement, divers mécanismes de représentation existent qui rendent cette initiative procédurale effective.

Dans tous les cas, il est question de garantir à la victime de pouvoir porter elle même sa réclamation en justice ou devant d’autres instances et d’en maitriser pleinement le contenu pour elle même.

Pour le juriste contemporain, le droit processuel d’agir est d’abord attaché à la qualité de personne humaine.

Mais l’histoire nous enseigne d’une part que le droit d’agir, sinon d’être représenté, en justice ou devant d’autres instances, a déjà été reconnu à d’autres entités que les humains.

D’autre part, l’initiative procédurale de la victime comme la maitrise de la conduite de sa réclamation sont reconnues comme les moyens les plus efficaces de tendre vers le résultat recherché d’une réparation juste, voire de la prévention du dommage.

En définitive, la victime est tenue comme la mieux à même de revendiquer son préjudice et d’exposer sa revendication qui lui est propre à justice.

Dès lors qu’il est question de réparation, quel mécanisme, processuel ou autre, pourrait être aussi efficace que l’attribution d’éléments de la personnalité juridique à des entités dont la protection et/ou la restauration sont reconnues comme impératives à la survie de l’humanité ?

Au-delà de l’idée d’agir en réparation, reconnaitre à un écosystème le droit à une existence intangible, soit un autre attribut de la personnalité juridique, peut permettre de rétablir un équilibre d’intérêts entre les usagers humains des services écosystémiques offerts par la nature et visés à l’article L. 110-1 du code de l’environnement et les écosystèmes qui en assurent effectivement la pérennité.

A titre d’illustration, les arbitrages réalisés en urgence par les institutions décisionnelles de l’Union qui ont assoupli ou suspendu les dispositifs environnementaux les plus emblématiques issus de la nouvelle politique agricole commune (PAC) pour répondre aux protestations du monde agricole démontrent la grande fragilité de l’édifice d’ensemble si celui-ci est uniquement confié aux usagers humains des services écosystémiques, même avec les meilleurs intentions[27].

L’autre intérêt identifié par Marie Angèle Hermitte réside dans la capacité propre du droit à influer sur notre vision du monde au travers des concepts qu’il nomme et définit : les choses, les biens, les personnes sont autant de catégories juridiques qui façonnent et orientent notre compréhension du monde et nos interactions avec notre environnement.

Or en l’état du droit en effet, un écosystème demeure d’abord perçu comme un bien qu’une personne peut détenir en propriété, moins comme une entité dont les services écosystémiques sont utiles à tous et toutes.

Longtemps tenues pour farfelues, enfantines ou utopiques, les démarches de personnification juridique de la nature et de ses éléments se multiplient dans le monde, essentiellement dans un objectif processuel de protection et/ou d’intangibilité.

Les exemples abondent aujourd’hui, telles la loi néo zélandaise du 15 mars 2017 qui a reconnu la personnalité juridique de la rivière Whanganui, une loi espagnole qui a consacré la personnalité juridique à la lagune du Mar Menor, ou encore des décisions de cours suprêmes telle la Cour Constitutionnelle de Colombie qui a conféré la personnalité juridique au fleuve Atrato[28].

En France, la déclaration des droits du fleuve Tavignanu en Corse du 29 juillet 2021 attribue à ce fleuve des droits fondamentaux en tant que personne juridique.

Dans la même logique, la province des iles Loyauté en Nouvelle Calédonie avait désigné par une délibération du 29 juin 2023 relative au code de l’environnement de cette province les requins et les tortues comme entités naturelles sujets de droit.

Si le Conseil d’Etat a considéré que celle-ci touchant au droit civil relevait de la compétence de la Nouvelle Calédonie, la Haute juridiction n’a pas remis le principe de la démarche en question[29].

D’autres initiatives telles le Parlement de Loire[30] qui vise à faire reconnaitre à ce fleuve la qualité de sujet de droit dans le même objectif d’intangibilité et de représentation propre en justice en vue d’assurer une protection plus efficace font aussi des émules (Isère, Creuse).

La multiplication de ces démarches dont l’objectif concret est d’assurer un niveau de protection encore supérieur à celui permis par le concept de bien commun bousculent nécessairement notre vision du vivant et nous conduit à réinterroger aussi notre vision de nous même comme partie d’un tout.

Mais cette redéfinition de nos liens au vivant pourrait aussi peut être contribuer à résoudre beaucoup des apparentes contradictions auxquelles nous nous heurtons pour le moment et qui sont à la source des crises que nous connaissons.

Si ce mouvement de personnification de la nature se poursuit, il pourrait être à la fois la résultante et la source d’un changement de vision de l’être humain sur le monde et sur lui-même, avec pour corolaire un enrichissement du socle des valeurs civilisationnelles qui comprendrait la pleine reconnaissance de la Nature comme être à part entière participant à la conduite politique de nos sociétés.

Si elle s’inscrit dans cette orientation, l’introduction dans le code pénal d’un Livre dédié aux crimes et délits contre la Nature devrait traduire un renversement de notre conception du vivant et de notre place en son sein, très certainement vers un modèle plus proche de la réalité telle que nous la redécouvrons aujourd’hui au travers des études scientifiques les plus abouties.


[1] Sarah Vanuxem – La propriété de la Terre – édition Wildproject

[2]  (2015/2103 (INL), mentionnant la nécessaire « création, à terme, d’une personnalité juridique spécifique aux robots, pour qu’au moins les robots autonomes les plus sophistiqués puissent être considérés comme des personnes électroniques responsables, tenues de réparer tout dommage causé à un tiers »

[3] G. Loiseau, La personnalité juridique des robots : une monstruosité juridique  : JCP G 2018, act. 597

[4] Intelligence artificielle – Maîtriser les risques de l’intelligence artificielle : entre éthique, responsabilisation et responsabilité – Etude par Alexandra Bensamoun – La Semaine Juridique Edition Générale n° 05, 06 février 2023, doctr. 181

[5] Rémy Libchaber  – Où va le droit ? – Là où la société le conduira… in La Semaine Juridique Edition Générale n° 28, 9 juillet 2018, doctr. 813

[6] Conférence de Glasgow de 2021 – https://www.un.org/en/climatechange/net-zero-coalition

[7] https://www.cdc-biodiversite.fr/le-programme-nature-2050/

[8] https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/politique-etrangere-de-la-france/climat-et-environnement/la-protection-de-l-environnement-et-la-lutte-contre-les-pollutions/troisieme-conference-des-nations-unies-sur-l-ocean-unoc3-nice-9-13-juin-2025/

[9] https://www.wolterskluwer.com/fr-be/expert-insights/new-penal-code

[10] Ordonnance n° 2000-914 du 18 septembre 2000 relative à la partie Législative du code de l’environnement

[11] Décision n° 2019-823 QPC du 31 janvier 2020

[12] Philippe Billet – Un code, 20 bougies, un souffle in Énergie – Environnement – Infrastructures n° 1, Janvier 2021, alerte 1

[13] Une justice pour l’environnement  – Mission d’évaluation des relations entre justice et environnement – octobre 2019 – recommandation n°11

[14] Ibid page 7

[15] Eric Maurel in Cours de culture juridique et judiciaire – Enrick B éditions

[16] Normes agricoles : retrouver le chemin du bon sens – Rapport d’information n° 733 (2015-2016), déposé le 29 juin 2016

[17] Christian Mestre – La révision de la PAC : un renoncement à la hâte aux ambitions environnementales ? in Droit rural n° 8-9, Août-septembre 2024, étude 12

[18] Où va le droit ? – Repenser la légalité – Etude par Jacques Commaille in La Semaine Juridique Edition Générale n° 26, 25 juin 2018, doctr. 753

[19] « L’Inexploré », de Baptiste Morizot – édition Wildproject

[20] Par exemple https://recherche.pantheonsorbonne.fr/actualite/quand-nature-prend-ses-droits

[21] Prospectives CNRS écologie & environnement 2023 – https://www.inee.cnrs.fr/fr/prospectives-cnrs-ecologie-environnement-2023

[22] Ibid pages 30 et 80

[23] Ibid page 214

[24] Ibid page 83

[25] Cf supra mission d’évaluation des relations entre justice et environnement

[26] V. not. M.-A. Hermitte , La nature, sujet de droit ? : Annales. Histoire, Sciences Sociales, 2011, p. 173. – M.-A. Hermitte , Quel type de personnalité juridique pour les entités naturelles ?, in Droits des êtres humains et droits des autres entités : une nouvelle frontière ?, J.-P. Marguénaud et C. Vial (dir.) : Mare & Martin, 2021, p. 83.

[27] Droit rural – La révision de la PAC : un renoncement à la hâte aux ambitions environnementales ? – Etude par Christian Mestre in Droit rural n° 8-9, Août-septembre 2024, étude 12

[28] Environnement et développement durable – L’eau à la croisée des communs et de la personne juridique – Etude par Marie-Alice Chardeaux in Énergie – Environnement – Infrastructures n° 5, Mai 2024, étude 18

[29] Environnement et développement durable – Protection des entités naturelles : les affres de l’incompétence – Focus par Philippe BILLET in Énergie – Environnement – Infrastructures n° 7, juillet 2024, alerte 103

[30]https://www.lefigaro.fr/nantes/une-declaration-des-droits-de-la-loire-en-preparation-de-la-touraine-a-l-atlantique-20240530

La désobéissance civile comme outil d’évolution sociétale

Sans la désobéissance civile, les femmes auraient elles obtenu le droit de vote aux mêmes époques ?

Sans la désobéissance civile, nos sociétés pourront elles s’adapter assez vite aux changements climatiques ?

Qui connait la convention d’Arrhus, cette convention internationale contraignante sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement ?

Cet instrument de droit international donne aux membres du public (les personnes physiques et les associations qui les représentent) le droit d’accès à l’information et de participation au processus décisionnel en matière d’environnement, ainsi que d’exiger réparation si ces droits ne sont pas respectés.

Dans un papier de positionnement sur la répression par l’Etat des manifestations et de la désobéissance civile environnementale, le rapporteur spécial des Nations unies sur les défenseurs de l’environnement au titre de la convention d’Aarhus dénonce l’atteinte majeure qui résulte de cette répression pour les droits humains et la démocratie[1].

Nous sommes loin ici des discours dominants en France qui criminalisent les acteurs de la défense de l’environnement en parlant d’éco terrorisme, ou qui doutent ouvertement de la nécessité d’un état de droit dont ils ne comprennent pas la fonction profondément démocratique et évolutionnaire.

Les juristes le savent, le droit est le reflet de la société humaine dont il est issu et son étude permet d’en apprendre beaucoup sur celle-ci[2].

Sa pratique procure aussi une occasion d’observer comment le changement opère au travers d’un dialogue constant entre la société et le droit qui la régule.

Ce dialogue met en mouvement l’état de droit dont la structure assure la pérennité de notre contrat social et de la paix civile tout en intégrant le changement en continu, notamment au travers de la Justice.

La désobéissance civile est une modalité de ce dialogue.

Utilisée à bon escient, elle est un formidable outil d’évolution de nos sociétés.

La désobéissance civile désigne une action non violente, individuelle ou collective, publique ou non, consistant à enfreindre (ou mettre en échec par une infraction liée) une règle du droit en vigueur que ses participants tiennent pour illégitime, et qu’ils souhaitent dénoncer, voire faire abroger.

Elle tire son fondement juridique dans la résistance à l’oppression, que la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 qualifie de droit naturel et imprescriptible de l’homme au même titre que la liberté, la propriété et la sureté[3].

Elle a précisément besoin, pour fonctionner, de déclencher une poursuite judiciaire.

Son efficacité repose sur la notion juridique d’état de nécessité qui constitue dans le droit positif de la plupart des pays démocratiques ce que l’on appelle en droit pénal un fait justificatif excluant toute responsabilité pénale et qui est ainsi défini :

N’est pas pénalement responsable la personne qui, face à un danger actuel ou imminent qui menace elle-même, autrui ou un bien, accomplit un acte nécessaire à la sauvegarde de la personne ou du bien, sauf s’il y a disproportion entre les moyens employés et la gravité de la menace.

Si un tribunal reconnait cet état de nécessité et prononce la relaxe du ou des auteurs de l’acte poursuivi qui n’est donc plus incriminé, la règle dénoncée qui constituait le fondement de cette incrimination ou qui était mise en échec par la justification de l’infraction commise qui lui était liée s’en trouve nécessairement affaiblie, voire remise en question.

L’objectif poursuivi, et parfois le résultat obtenu consiste donc en une modification durable de l’état du droit et par répercussion de notre contrat social.

C’est en ce sens un exercice de pouvoir citoyen.

La jurisprudence fournit des exemples de décisions qui, rendues sur le fondement de l’état de nécessité, légitiment en réalité des formes de désobéissance civile[4], même si certains auteurs préfèrent, pour désigner une action individuelle, le concept d’objection de conscience.

Les conditions de succès d’une telle action sont aussi subtiles et celle-ci doit être bien réfléchie, cadrée, et cantonnée pour créer les conditions de la reconnaissance d’un état de nécessité.

N’en déplaise à celles et ceux qui voudraient la criminaliser, la désobéissance civile est en réalité parfaitement intégrée dans la structuration juridique de nos contrats sociaux au travers de l’état de droit, puisqu’elle y est en son sein immédiatement opérationnelle.

Sa disponibilité dans notre droit constitue une chance précieuse pour nos sociétés occidentales au regard de la situation de toutes celles et ceux dans le monde qui, pour résister à l’oppression, doivent se mettre en danger physique.

En décembre 2023, 32 départements ont proclamé leur refus d’appliquer la loi immigration telle qu’elle venait d’être adoptée par le Parlement et qui intégrait dans notre système juridique républicain le concept de préférence nationale pour l’attribution de certaines allocations.

Un tel refus impliquait nécessairement de faire face à toutes les conséquences juridiques que cela implique, en particulier l’inéluctabilité de contentieux devant les tribunaux administratifs dans lesquels il aurait été indispensable de défendre une position humaniste et républicaine.

La désobéissance civile ne se réduit donc pas à des actions spectaculaires dans les musées ou sur les périphériques urbains.

Loin de constituer une attitude marginale, la désobéissance civile est parfaitement intégrée dans nos cultures juridiques et sociales et constitue un outil salutaire d’évolution sociétale et de défense de valeurs universelles.


[1]https://unece.org/sites/default/files/2024-02/UNSR_EnvDefenders_Aarhus_Press_Release_Position_Paper_Civil_Disobedience_FR.pdf

[2] Rémy Libchaber  – Où va le droit ? – Là où la société le conduira… in La Semaine Juridique Edition Générale n° 28, 9 juillet 2018, doctr. 813

[3] Art 2 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen.

[4] Par exemple sur le fin de vie, un vétérinaire relaxé en première instance pour avoir prescrit du Pentobarbital à un ami atteint de la maladie de Charcot (tribunal correctionnel d’Angers 2 mai 2022)

Historique d’un combat familial

Mon père sur le site de l’ancien hôpital de Roubaix, un jour de départ en vacances de familles en précarité. La petite dernière dans les bras de sa mère, n’est pas atteinte. C’est une victoire

L’alcool est puissamment toxique pour le fœtus, en particulier pour le cerveau et le système nerveux central.

Lorsque j’évoque ce sujet, mes interlocuteurs se disent très souvent bien informés ; mais lorsque je leur explique que l’héroïne par exemple, n’a pas cet effet toxique, en général les yeux s’écarquillent.

L’alcool est en réalité, et de très loin, la première cause non génétique de handicap mental dans le monde.

C’est aussi la seule qui soit totalement évitable puisqu’à la différence de la thalidomide ou de l’acide valproïque (deux autres molécules également toxiques pour le fœtus), sa présence dans des produits de consommation courante n’est jamais dissimulée.

Les effets d’une consommation importante sont bien connus et engendrent des malformations physiques identifiables qui s’ajoutent aux atteintes cérébrales et nerveuses.

Mais ces répercussions ne sont que la partie émergée de l’iceberg.

Les effets d’une consommation modérée, même ponctuelle sont moins connus, mais bien plus massifs dans la population générale.

Des niveaux de consommation faibles et parfaitement admis en société sont en réalité incompatibles avec la grossesse.

Ce point est essentiel parce qu’il permet de dissocier ce sujet de l’addiction à l’alcool.

La cour des comptes[1] et l’académie nationale de médecine[2] estiment que 8000 enfants naissent tous les ans porteurs de lésions cérébrales et nerveuses durables qui obèreront leurs chances de développement et d’intégration sociale.

La plupart ne sont jamais diagnostiqués, le plus souvent faute de connaissances suffisantes de la part des professionnels de santé et des services médico sociaux, et de mobilisation adéquate de ces professionnels dans des secteurs clés tels que l’éducation nationale et la justice notamment.

Mais alors que le nombre annuel de naissances touchées fait à peu près consensus, aucune autorité, aucune société savante ne s’interroge sur le devenir de ces enfants qui grandissent, deviennent des adolescents, puis des adultes.

8000 naissances par an sur une durée de vie moyenne basse donnent environ 500 000 personnes atteintes vivant dans notre pays.

La plupart n’étant pas diagnostiquées, comment évoluent elles alors que sans diagnostic, compenser les conséquences de leur handicap est bien plus incertain ? Quelles sont leurs chances de développer une vie sociale normale ?

En effet, les lésions neuro cérébrales durables engendrée par une exposition prénatale à l’alcool se traduisent à long terme par un retard mental, un déficit de l’attention, des difficultés à l’exécution de taches motrices fines, une altération des capacités d’apprentissage et de mémorisation, voire l’apparition de psychose.

Et ces lésions ne disparaissent pas avec le temps.

Au contraire, ces handicaps primaires exprimeront à leur tour des handicaps sociaux, tels l’incapacité de prévoir les conséquences de ses actes, une pensée abstraite déficiente, une incapacité à faire des choix, une absence d’aptitude organisationnelle, des troubles scolaires et des interactions sociales inappropriées compromettant leur insertion sociale et susceptibles de les placer en situation d’auteurs ou de victimes d’infractions pénales.

8000 enfants qui naissent chaque années entrent à l’école et lorsqu’ils arrivent en CP, se retrouvent plus ou moins rapidement en échec scolaire.

Adolescents, ils sont à risque de décrochage et jeunes adultes, de désinsertion.

Il faut donc regarder du côté des institutions chargées de lutter contre l’échec scolaire, l’exclusion sociale, mais aussi devant les juridictions pénales en particulier les comparutions immédiates et dans les prisons ou encore auprès des services de la protection de l’enfance.

Par exemple en France, 46 000 enfants âgés de 8 à 11 ans sont scolarisés en ULIS, ces dispositifs de scolarité adaptés aux enfants en difficulté.

Sur cette plage d’âge qui correspond à 4 années de naissances, 32 000 enfants (d’après la cour des comptes et l’académie nationale de médecine) sont nés porteurs de troubles causés par une exposition prénatale à l’alcool.

La proportion est immédiatement colossale.

Un raisonnement équivalent peut être tenu s’agissant des enfants pris en charge au titre de la protection de l’enfance par les services du département, ou encore s’agissant des adultes en prison, dont les pouvoirs publics nous disent que 25% présentent des troubles mentaux.

Alors que tous ces services déplorent un manque de moyens et de places, si une partie importante de ces moyens et places est mobilisée pour la prise en charge de personnes atteintes de troubles causés par l’exposition prénatale à l’alcool alors que cette pathologie est identifiée comme évitable, qu’attendent ils pour se mobiliser ?

Sachant en outre que ces personnes ne sont pas diagnostiquées et que par répercussion, ces prises en charge ne sont pas adaptées, à quoi bon ?

Pourquoi le ministère de la santé, celui de l’éducation nationale, celui de la justice, les départements, se sentent si peu concernés par ce problème de santé publique qui impacte directement leurs ressources ?

Mon engagement sur ce sujet est d’abord une histoire familiale.

Mon père, Maurice Titran†, était pédiatre à Roubaix et directeur fondateur du Centre d’action médico sociale précoce (CAMSP) de cette ville.

Pendant des années, je l’ai vu se battre contre des moulins à vent pour tenter de faire reconnaitre la gravité de ces atteintes qui touchaient plus particulièrement des populations déjà fragilisées.

Pour ces familles, c’était la double peine.

Dans mes cours de droit de la consommation, on soulignait à quel point les producteurs étaient tenus d’informer les consommateurs sur les risques inhérents à l’utilisation de leurs produits.

Même une marque de margarine mentionnait sur ses emballages que son produit pouvait ne pas convenir aux femmes enceintes en raison de leurs besoins nutritionnels spécifiques.

Et sur les bouteilles d’alcool, rien.

Un moyens efficace de mobiliser l’état et les collectivités publiques, c’est de questionner en justice leur responsabilité.

J’ai eu l’occasion d’engager au début des années 2000[3] plusieurs procédures visant à rechercher la responsabilité de l’état à raison du non respect de la loi en matière d’étiquetage informationnel que l’état ne pensait pas devoir imposer aux alcooliers comme à n’importe quel autre producteur de produits destinés à la consommation courante.

Les obligations légales et réglementaires existaient pour tous les produits, et rien ne justifiait légalement que l’alcool en fût exempté.

Ces actions en responsabilité contre l’état m’ont d’abord donné la chance de rencontrer celle qui allait devenir mon épouse et la mère de mes enfants.

Laure Gratias† était journaliste indépendante, elle réalisait un film sur ce sujet de santé publique ; c’est ainsi que nos chemins se sont croisés.

Les actions en responsabilité engagées contre l’état et la formulation de la problématique de responsabilité juridique constituaient un élément éclairant pour le développement du film qu’elle préparait alors, et dont elle a tiré un livre.

Film « les bébés de l’alcool » de Laure Gratias

Ces actions m’ont aussi permis de rencontrer d’autres femmes et hommes de bonne volonté et très vite, je me suis retrouvé à travailler avec une sénatrice, madame Anne Marie Payet, pour proposer des amendements et cibler les projets de lois qui pouvaient en constituer les véhicules, visant trois axes :

  • L’étiquetage bien sur (puisque les alcooliers ne se sentaient pas concernés par les obligations légales que tous les autres producteurs respectaient)
  • L’information de la population générale au travers de campagnes d’informations récurrentes
  • La formation des professionnels de santé et des services médico sociaux, dont le déficit de connaissance était déjà stigmatisé

Ces amendements ont été adoptés, intégrant ces obligations dans le code de la santé publique et dans le code de l’éducation.

C’est à cette occasion que j’ai découvert l’activité de lobbyiste.

Cette activité n’est pas réservée aux acteurs économiques disposant de moyens importants : toutes les forces citoyennes peuvent s’en emparer.

Malheureusement et pour un prétexte très discutable, le Parlement abrogeait rapidement l’obligation légale de formation initiale et continue des professionnels.

A ces occasions, j’ai eu la chance de rencontrer des professionnels investis de tous horizons, dont le docteur Denis Lamblin, pédiatre à la Réunion et à l’époque directeur du centre d’action médico sociale précoce de Saint Pierre.

Denis Lamblin était venu se former à Roubaix, auprès de mon père et d’un autre médecin roubaisien qui avait activement contribué à faire émerger l’ampleur des effets de l’exposition prénatale à l’alcool, le docteur Philippe Dehaene†.

L’étude populationnelle conduite par Philippe Dehaene à Roubaix en 1991 [4] est encore aujourd’hui quasiment la seule étude de référence sur le sujet.

Dénoncée par plusieurs autorités scientifiques, la quasi absence d’étude en population générale depuis 30 ans témoigne là encore clairement de l’indifférence de nos sociétés à tant de souffrance et d’inégalités, que les pouvoirs publics ne cherchent pas à éviter.

Denis Lamblin avait monté une première association, RéuniSAF, destinée à faciliter la prise en charge de familles dont les ainés avaient pu être diagnostiqués.

Le travail en réseau qu’il avait élaboré autour de ces familles permettait d’éviter que les petits frères et sœurs de ces ainés soient également atteints.

La dimension innovante de son approche lui avait valu une distinction de l’Académie nationale de médecine

Ce pédiatre a également fondé une association destinée à la prévention primaire, Saffrance.

Faute de moyens et de soutiens publics, Saffrance a tenté de développer un partenariat direct avec les alcooliers sur une revendication commune claire, la nécessité d’une abstinence totale pendant la grossesse et ce dès que celle ci est en projet.

Saffrance a donc développé un partenariat avec l’association Prévention et Modération qui regroupe plusieurs fédérations de producteurs d’alcool et je l’ai assisté dans la rédaction des conventions de partenariat.

Un second partenariat a été mis en place avec l’UMIH, le puissant syndicat des métiers du milieu HCR.

Ces partenariats ont permis de mieux cerner l’état des connaissances sur le sujet dans l’opinion publique et chez les professionnels de santé.

Ils ont également facilité la mise en œuvre de campagnes de prévention primaire, notamment au travers d’un évènement annuel dénommé le Safthon.

Mais ils ont aussi eu pour effet d’éloigner d’autres acteurs de la communauté scientifique et des milieux de prévention, et même des acteurs publics de la santé qui voient dans ces partenariats des conflits d’intérêt insolubles.

Depuis quelques années malheureusement, le sujet piétine à nouveau dans un déni collectif parfois assourdissant.

Mais les enfants grandissent, deviennent des adultes qui veulent faire valoir leurs droits.

Hasard ou coïncidence, je viens d’engager pour l’un d’entre eux une nouvelle action en responsabilité contre l’état, actuellement en cours devant le tribunal administratif de Paris.

Il s’agit cette fois de dénoncer l’absence de diagnostic des populations atteintes à raison du déficit de connaissance des professionnels de santé notamment, et du défaut de prise en charge qui en résulte des personnes atteintes favorisant l’installation des handicaps secondaires si lourds de conséquences pour elles mêmes, pour leur entourage et pour la société.

Le combat continue sur ce sujet civilisationnel qui touche en définitive comme le sujet du climat, au rapport que l’humanité entretient avec son avenir et sa descendance au travers de ses choix de vie présents.


[1] https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/EzPublish/20160613-rapport-politique-lutte-consommations-nocives-alcool.pdf – page 22

[2] https://www.academie-medecine.fr/wp-content/uploads/2016/03/Rapport-alcoolisation-foetale-d%C3%A9finitif-14-3-16.pdf – page 10

[3] La Semaine Juridique Administrations et Collectivités territoriales n° 30, 21 Juillet 2008, 2178

[4] Dehaene P, Samaille-Villette C, Boulanger-Fasquelle P, et al. Diagnostic et prévalence du syndrome d’alcoolisme foetal en maternité. Presse Med 1991 ; 20 : 1002.

Défense de la présomption d’innocence et du droit à l’oubli

Conseil d’état, 27 juill. 2001, n° 222509 Titran  : Rec. CE, p. 411 ; AJDA 2001, p. 1046 et Conseil d’état, 5 mars 2003, n° 241325 Titran II : Rec. CE, p. 113 ; AJDA 2003, p. 1008

Conscient de la profondeur des bouleversements sociaux, économiques, politiques induits par la transformation numérique de nos sociétés humaines, j’observe ce phénomène depuis plus de trente ans avec autant de curiosité que de vigilance.

L’impact de la transformation numérique sur nos sociétés est comparable aux effets combinés de l’imprimerie et de la machine à vapeur.

Des pans entiers d’activités ont disparu, encore plus ont été créés, tous ne sont certainement pas indispensables à l’humanité, mais beaucoup sont extrêmement utiles.

Au niveau interpersonnel, c’est aussi pour chacun d’entre nous un effort d’appropriation dans de bonnes conditions de sécurité, de conduite individuelle et sociale, de responsabilité personnelles et collectives nouvelles.

S’approprier cet univers et les outils techniques et juridiques qui lui sont propres nécessite une certaine maturation de l’expérience et une bonne capacité à visualiser les espaces virtuels par référence aux espaces réels.

On n’insulte pas les gens dans la rue, on ne fouille pas leurs poches à leur insu à la recherche d’informations intimes, on n’échange pas en proclamant ses vérités personnelles sans écouter l’autre etc…

Cela parait évident mais on voit bien aussi l’effort collectif qui reste à faire, et que précisément le numérique nous donne bien à voir.

On ne laisse pas ses moyens de paiement sans surveillance devant sa porte, on ne stationne pas sa voiture en laissant le moteur tourner, on ne se déshabille pas dans la rue, on n’écrit pas à des clients des informations confidentielles sur des cartes postales, on ne laisse pas son local professionnel ouvert aux quatre vents jour et nuit et sans surveillance …

Pourtant, ces situations transcrites numériquement surviennent trop souvent chez des personnes qui ne trouvent pas le temps de s’occuper de ce que l’on peut désormais appeler leur hygiène numérique.

C’est donc une indispensable prise de conscience et un investissement personnel minimal inévitable.

Il est aussi essentiel de garder à l’esprit que le rapport humain ne se réduit pas à un flux d’échanges fonctionnels d’informations mais que les interactions possibles, voire nécessaires entre humains sont nombreuses, diversifiées, complexes et riches ; certaines sont visibles, d’autres non, mais beaucoup sont essentielles, se vivent en présentiel, doivent être préservées et peuvent être enrichies.

Cette culture numérique sur laquelle je m’appuie pour le fonctionnement de mon cabinet est aussi une source d’inspiration pour mieux conseiller mes clients, mais aussi mes confrères au travers de mes investissement au service de ma profession.

A mon arrivée au barreau, j’ai très vite pris conscience des atteintes qui pouvaient être portées aux principes essentiels du procès par les développements informatiques.

Je me suis emparé de la première cause qui s’est présentée à moi à l’occasion de mon exercice, la violation de la présomption d’innocence par l’exploitation détournée de fichiers mis en œuvre au sein des tribunaux.

Mes actions, engagées en mon nom personnel et en ma qualité d’avocat m’ont mené à deux reprises devant le Conseil d’état qui a rendu deux décisions favorables que les commentateurs nomment respectivement, Titran et Titran II.

Pour un avocat, obtenir une décision favorable du Conseil d’état qui porte son nom et fait jurisprudence, c’est un peu comme gagner une médaille.

Mais en obtenir deux, pour la défense de la présomption d’innocence et du droit à l’oubli, en dénonçant un usage dévoyé de certains fichiers informatiques, c’est une grande fierté.

La France a été l’un des premiers pays d’Europe à se doter d’une loi (78-17 du 6 janvier 1978) dite informatique et libertés.

A l’époque, de nombreux citoyens s’étaient insurgés contre un projet gouvernemental d’interconnexion de plusieurs fichiers informatiques mis en  œuvre par différents ministères (affaires sociales, administration fiscale et santé) et dénommé SAFARI (pour système automatisé pour les fichiers administratifs et répertoires des individus).

« SAFARI où la chasse au français », ce célèbre article du journal le Monde avait contribué à éveiller les consciences et inspiré de nombreuses contestations, imposant à l’état de renoncer à son projet et à envisager d’abord des mécanismes de protection des droits et libertés des citoyens.

C’est ainsi qu’est née la commission nationale informatique et libertés (CNIL), et qu’a été adoptée la loi informatique, fichiers et libertés du 6 janvier 1978.

Mais proclamer des principes ne suffit pas à changer des cultures.

Le développement des premiers fichiers judiciaires d’envergure, et notamment le premier système de traitement automatisé des procédures pénales mis en œuvre par un arrêté du 18 juin 1986 illustre bien cette distorsion.

Ce système, à l’époque mis en œuvre par le greffe correctionnel et le parquet dans chaque tribunal de grande instance recensait non seulement les informations nominatives contenues dans le casier judiciaire, c’est-à-dire les déclarations définitives de culpabilité, mais aussi de simples mises en cause nominatives recensées par les services de police et de gendarmerie.

Concrètement, une personne était mise en cause dans ce fichier dès que son nom était livré aux services d’enquête par un témoin, une victime, un inconnu…et les informations étaient conservées, que l’affaire donne lieu ou non à poursuites et à jugement.

Si la personne était poursuivie mais relaxée, l’effacement de ces données n’était même pas garanti, ce qui donnait la mesure de l’atteinte qui en résultait à la présomption d’innocence.

Elaboré dans un objectif de pure gestion, ce fichier était dans les faits allègrement exploité pour soumettre aux tribunaux des antécédents de simples mises en cause.

Ainsi, un prévenu dont le casier judiciaire était vierge pouvait avoir une fiche nominative le concernant faisant état de mises en cause antérieures, ce qui impactait le regard du procureur chargé d’engager les poursuites et du tribunal chargé de juger la personne, au détriment de la présomption d’innocence.

C’est comme si la rumeur suffisait à constituer un véritable antécédent judiciaire.

Cette situation était d’autant plus étonnante qu’à l’époque déjà, l’usage d’un ficher informatique détourné de sa finalité était susceptible de poursuites…pénales.

En audience, les avocats dénonçaient régulièrement cette atteinte à la présomption d’innocence, mais ne faisaient pas le lien avec la loi informatique et libertés.

J’étais tout jeune avocat lorsque j’ai reformulé la problématique de la légalité de l’usage de ce fichier devant les tribunaux sous l’angle des principes régissant les fichiers informatiques.

Bizarrement, les tribunaux correctionnels n’entendaient pas mes arguments, ce qui m’a poussé à créer une voie de recours contre l’arrêté ministériel qui en constituait le support.

Mais cet arrêté était publié depuis plus de 10 ans lorsque j’ai prêté serment ; à mon arrivée au barreau, il ne pouvait donc plus en théorie être contesté.

C’est l’un des aspects créatifs de la profession d’avocat : trouver des voies de recours, imaginer des actions en justice qu’aucun texte ne prévoit, mais que les principes essentiels qui sous tendent nos systèmes juridiques permettent de construire.

Par une première décision en date du 27 juillet 2001, le Conseil d’état jugeait que l’arrêté du 18 juin 1986 devait être annulé, et enjoignait le ministère de la justice à revoir sa copie.

Au passage, cette affaire donnait l’occasion au Conseil d’état d’étendre à un arrêté ministériel sa nouvelle création jurisprudentielle contraignante à l’encontre du gouvernement, l’injonction de s’améliorer.

Un nouvel arrêté était adopté qui ne répondait toujours pas aux exigences de nos principes, d’où un second recours, et une seconde décision favorable.

Ces deux décisions Titran et Titran II du conseil d’état ont marqué le début de mon engagement au service de ma profession sur les chantiers de la transformation numérique de la justice.

Endangered lawyers around the world, lawyers united for a humanist and identity cause

On 10 December 2020, the Paris Bar association Launched its Welcome and Respite program for lawyers under threat around the world.

At the September 11, 2020 the CNB proposed an action plan comprising 17 short- and medium-term mobilization and communication actions.

The aim is to provide effective support to lawyers at risk in the line of duty and to raise awareness among governments and civil societies about the need to act in support of endangered lawyers around the world.

On 25 November, the CCBE (representing more than one million of lawyers in 46 European countries) awarded its 2022 human rights prize to  Ukrainian lawyer Nadia Volkova and the UNBA (Ukrainian national Bar association).

Every bar association, every lawyer’s school should get its part of responsabity in this cause.

These are occasions to remind us that this sad reality does not concern only our emblematic Iranian colleague Nasrin Sotoudeh, but also many lawyers around the world facing state authorities who choose to deny individual freedoms, human rights and the Rule of Law.

By its very nature, the lawyer’s practicing questions the legal framework defined by the state authorities.

Fundamentally, defending is also questioning the legitimacy of the legal system of a State, and each time, the tribunal or the court checks this legitimacy through the judicial response its provides.

The sustainability of the rule of law emerges from this judicial confrontation, supported and nourished by the defense of human rights and fundamental freedoms and subject to arbitration by independent and impartial courts.

But to contribute to a full functional judicial system, the exercise of the defense must be conducted by a professional whose independence and professional secrecy are guaranteed.

Combined with strict respect for his ethical and deontology rules, the independence of the lawyer guarantees citizens full freedom in the organization of their defense.

Always associated with strict compliance with ethical and deontology rules, absolute professional secrecy of the lawyer provides everyone an intimate and protected space in which they can question themselves without exposing themselves, and thus consider evolving.

It is an indispensable tool for human evolution, and therefore for social improvement.

All governments that want to give precedence to their authority over individual freedoms first ensure that the courts and judges are dependent and under the hierarchy of their power (including through the procedures for appointing and discipline), and then restrict the freedoms of action and speech of lawyers by limiting or even suppressing their professional secrecy and independence.

This takes most often the way of disciplinary or criminal proceedings against lawyers on a misappropriated basis (bans on meetings, various frauds and subversions), by a confusion between the lawyer and his/her client (for example, considering the lawyer of a person presented as a terrorist as himself or herself a terrorist) and by a solitary confinement of the lawyer being prosecuted without the possibility of organizing his/her defense (as if he/she were a prisoner of war).

Another way is a lack of adequate response (or no response at all) from the authorities when lawyers are threatened and abused by opponents of their clients or more often by unidentified individuals, especially when the cases they defend involve the interests of the state.

In these states, lawyers who choose to defend fundamental freedoms and human rights or who defend economic interests that differ from those of the country in which they operate are at risk of being banned from practicing in the best case, if not of attacks on their integrity, or even their own lives or families.

To be lucid, these issues are as much about human and fundamental rights as they are about business cases, and it can be both.

In this area, moreover, states that want to defend their economic interests may be very concerned and even democracies considered as strongly established can act in limiting or banishing practice or even just let threats happen with incredible violence.

In this way, the case of our colleague Steven Donzinger in the United States is also emblematic.

To be outraged as lawyers of the fate of our endangered colleagues in the world let us also remind ourselves of who we are, to recognize each other lawyers throughout the world, and by coming together on common values, to strengthen the defense of our mission and status in all human societies.

This subject is ultimately so identity-based that it should be the subject of a dedicated teaching in our law and lawyers schools.

Beyond indignation, by reverse reading the fate of endangered lawyers in the world, we identify more clearly the indispensable components of the status of Bar institutions and individual lawyers in the rule of law.

We want to help them, but in fact they have helped us first.

It is therefore our duty, in return, to reach out to them.

The list bellow is a rather peculiar ephemeris that the IDHAE (Institute for Human Rights and European Lawyers) chaired by our colleague Bertrand Favreau from Bordeaux publishes regularly.

This institute created in 1984 the Global Observatory for Rights Defense and Violations of Lawyers’ Rights.

It is useful that this methodical, comprehensive and recurrent work over the past 40 years is brought to light in a context where these awareness are beginning to emerge as a central challenge of our profession.

Avocats en danger dans le monde, une profession unie autour d’un combat identitaire

Le barreau de Paris a lancé le 10 décembre 2020 son programme d’accueil et de répit pour les avocats menacés partout dans le monde.

Le CNB a proposé en assemblée générale du 11 septembre 2020 un plan d’action regroupant 17 actions de mobilisation et de communication de court et de moyen terme.

Le but poursuivi est de fournir un soutien efficace aux avocats menacés dans l’exercice de leurs fonctions et de sensibiliser les pouvoirs publics et sociétés civiles sur la nécessité d’agir au soutien des avocats menacés dans le monde.

Le CCBE (qui représente plus d’un million d’avocats dans 46 pays d’Europe) a décerné le 25 novembre 2022 son prix des droits humains à l’avocate ukrainienne Nadia Volkova et à l’UNBA (le barreau ukrainien) pour leur courage, leur détermination et leur engagement à défendre les droits humains et l’état de droit en Ukraine.

Chaque barreau, chaque école d’avocats doit prendre sa place dans ce combat identitaire.

Ce sont des occasions de rappeler que cette triste réalité ne s’arrête pas à notre emblématique consœur iranienne Nasrin Sotoudeh, mais concerne de nombreux avocats dans le monde confrontés à des autorités d’état qui font le choix de dénier les libertés individuelles, les droits humains et l’état de droit.

Par nature, l’exercice de la profession d’avocat interroge le cadre juridique défini par l’état.

Fondamentalement, l’exercice de la défense amène à questionner la légitimité du système juridique d’un état, et la juridiction saisie vérifie à chaque fois cette légitimité au travers de la réponse judiciaire qu’elle apporte.

La pérennité de l’état de droit émerge de cette confrontation judiciaire, portée et nourrie par la défense de droits humains et de libertés fondamentales et soumise à l’arbitrage de tribunaux indépendants et impartiaux.

Mais pour que le tout fonctionne, l’exercice de la défense suppose qu’elle soit menée par un professionnel dont l’indépendance et le secret professionnel sont garantis.

Associée au strict respect de sa déontologie, l’indépendance de l’avocat garantit aux citoyens une pleine liberté dans l’organisation de leur défense

Toujours associé au strict respect de sa déontologie, le secret professionnel absolu de l’avocat procure à toutes personnes un espace intime et protégé au sein duquel elles peuvent se remettre en question sans s’exposer, et ainsi envisager d’évoluer.

C’est un outil indispensable d’évolution humaine, donc d’amélioration sociale.

Tous les états qui veulent faire primer leur autorité sur les libertés individuelles veillent d’abord à rendre les tribunaux et les juges dépendants et sous la hiérarchie du pouvoir (notamment par les procédures de nomination et de discipline des juges), puis restreignent les libertés d’action et de parole des avocats en limitant, voire en supprimant leur secret professionnel et leur indépendance.

Cela passe le plus souvent par l’engagement de poursuites disciplinaires ou pénales à l’encontre d’avocats sur des fondements détournés (interdictions de réunions, fraudes et subversions diverses), par une confusion entretenue entre l’avocat et son client (postuler par exemple que l’avocat d’une personne présentée comme un terroriste est lui-même un terroriste) puis par une mise à l’isolement de l’avocat poursuivi sans possibilité d’organiser sa défense (comme s’il s’agissait d’un prisonnier de guerre en quelque sorte).

Cela passe aussi par une absence de réaction adaptée (voire absence de réaction tout court) des autorités lorsque les avocats subissent menaces et violences de la part d’adversaires de leurs clients ou plus souvent d’individus non identifiés, spécialement lorsque les causes qu’ils défendent impliquent les intérêts de l’état.

Dans ces états, les avocats qui font le choix d’assurer la défense des libertés fondamentales et des droits humains ou qui portent des intérêts économiques divergents de ceux du pays où ils exercent se trouvent en situation de risque d’être interdits d’exercer dans le meilleur des cas, sinon d’atteintes à leur intégrité, voire à leur vie et ou celle de leurs familles.

Ne nous leurrons pas, ces questions intéressent tout autant le droit des personnes que celui dit des affaires.

Dans ce domaine d’ailleurs, les états qui veulent défendre leurs intérêts économiques ne sont jamais en reste et même des démocraties considérées comme solides peuvent agir ou même seulement laisser faire avec une incroyable violence.

A cet égard, le cas de notre confrère Steven Donzinger aux Etats Unis est également emblématique.

Nous indigner en tant qu’avocats du sort de nos confrères menacés dans le monde, c’est aussi nous rappeler qui nous sommes, nous reconnaitre mutuellement à travers le monde, et en nous réunissant sur des valeurs communes, renforcer la défense de notre rôle et de notre statut dans toutes les sociétés humaines.

Ce sujet est en définitive tellement identitaire qu’il devrait faire l’objet d’un enseignement dédié dans nos écoles d’avocats.

Car au-delà de l’indignation, en lisant en creux le sort subi par les avocats menacés dans le monde, nous identifions plus clairement les composantes indispensables du statut de l’avocat dans un état de droit.

Alors que nous voulons les aider, ce sont en fait eux qui nous aident en premier.

C’est donc notre devoir, en retour, de leur tendre la main.

Le document joint est une éphéméride un peu particulière que l’IDHAE (institut des droits de l’homme et des avocats européens) présidée par notre confrère Bertrand Favreau de Bordeaux publie régulièrement.

Cet institut a créé l’Observatoire mondial des droits de la défense et des violations des droits des avocats, opérationnel depuis 1984.

Il est heureux que ce travail méthodique, complet et récurrent depuis 40 ans soit mis en lumière dans un contexte où ces prises de conscience commencent à émerger à la hauteur des enjeux de notre profession.

En conseil

J’accompagne mes clients, en étroite collaboration avec leur expert comptable, dans des opérations d’achats, ventes, restructuration de leurs activités économiques mais aussi dans la conduite de leurs activités associatives et sociales, et de valorisation de leurs créations (artistiques, audio visuelles, numériques etc…).

Cet accompagnement comprend la fourniture d’analyses juridiques de situation qui viennent enrichir les processus d’arbitrages de choix et contribuent à l’émergence d’options plus diverses.

Il se matérialise souvent par la rédaction d’actes sur mesure, l’assistance à mise à niveau juridique de sites internet et autres outils de communication etc…

En contentieux

Je développe une activité contentieuse, tant en droit privé (civil ou commercial) qu’en droit public, essentiellement centrée sur des problématiques de responsabilité individuelles, collectives ou sociales ainsi que sur la réparation de préjudices physiologiques, économiques et comptables.

Le champ des responsabilités collectives et sociales est un formidable terrain d’innovations juridiques, que celles ci touchent à la formulation de problématiques émergentes, à l’identification d’entités responsables, ou la découverte de voies d’actions inédites (voir par exemple ici).

Cette activité contentieuse m’a aussi donné l’occasion de m’enrichir d’une forte expérience dans la négociation et les modes amiables de règlement des litiges et surtout, dans la prévention des conflits et la pérennisation du lien humain.

ENM – revue Justice actualité #26 – janvier 2022

Revue Justice Actualités #26 : Justice et transformation numérique | École nationale de la magistrature

La communication électronique procédurale, une occasion inédite de structuration d’un dialogue pérenne entre avocats, magistrats et greffiers

Comme le rappelle la cour des comptes dans une communication du mois de mai 2021[1], la priorité d’accès aux tribunaux donnée au justiciable n’est pas suffisante pour remplir l’objectif d’une justice simplifiée, lisible, accessible et efficace défini par le plan de transformation numérique (PTN) en 2017.

Contrairement à d’autres services publics en effet, la justice, civile en particulier, est le plus souvent intermédiée ; dans la plupart des cas, elle est saisie par les avocats, et non directement par le justiciable.

La concertation entre les avocats, les magistrats et les greffiers au sein de chaque juridiction est donc centrale au déploiement de la communication électronique procédurale en particulier et à la transformation numérique de la justice en général.

La crise sanitaire, qui a révélé au grand jour le retard considérable pris par le ministère de la justice dans sa transformation numérique, à la fois par rapport aux autres ministères, mais aussi par rapport à ses homologues européens[2], a également fait ressortir la nécessité de revoir certaines priorités du PTN pour remettre les besoins métiers au cœur des développements logiciels et des investissements.

En outre, et dans l’esprit de l’axe 2 du PTN, la gouvernance de la transformation numérique doit associer le plus largement possible les communautés d’utilisateurs, internes comme externes au ministère de la justice[3], soit concrètement les praticiens judiciaires, magistrats, avocats et greffiers, au sein même des juridictions.

Or il se trouve que depuis les premières expérimentations débutées en 2006 dans les juridictions pilote, le déploiement de la communication électronique procédurale s’est naturellement structuré dans la concertation entre les différents métiers.

Cette concertation est aussi une opportunité pour créer des espaces d’échanges structurés entre avocats, magistrats et greffiers dans les juridictions, dont beaucoup s’accordent à penser qu’ils pourraient améliorer la relation entre les praticiens[4].

Sur le terrain en effet, ces échanges récurrents sont autant d’occasions procurées aux praticiens (magistrats, avocats et greffiers) de mieux comprendre leurs contraintes réciproques, tout en se rappelant leurs rôles respectifs dans le fonctionnement de la justice, le tout favorisant précisément une reconnaissance mutuelle indispensable à la revalorisation de leur relation.

1.    La concertation au cœur du déploiement de la communication électronique procédurale.

Par nature, le processus judiciaire nécessite un échange constant entre ses intervenants et la juridiction.

Dématérialiser ce processus suppose donc une concertation permanente, d’abord sur l’interopérabilité des moyens techniques et informatiques mis en œuvre depuis le niveau national, puis par déclinaison sur le terrain dans chaque juridiction, pour assurer l’effectivité de la communication électronique entre les intervenants.

Ceci explique le recours aux conventions nationales entre le CNB et le ministère de la justice, la première ayant été régularisée le 4 mai 2005 et régulièrement mise à jour depuis, et par référence à celles-ci, aux conventions locales susceptibles de prendre la forme de guides de bonnes pratiques.

Cette logique a d’ailleurs été intégrée en 2016[5] à l’article 21-1 de la loi n°71-1131 du 31 décembre 1971 qui confère au CNB la responsabilité de déterminer, en concertation avec le ministère de la justice, les modalités et conditions de mise en œuvre du réseau indépendant à usage privé des avocats aux fins d’interconnexion avec le  » réseau privé virtuel justice « .

Au dernier état de cette concertation, ont été adoptées deux conventions nationales le 5 février 2021[6], l’une afférente aux procédures civiles, et l’autre ayant trait aux procédures pénales.

La première de ces conventions rappelle l’obligation juridique de concertation entre les juridictions et les ordres des avocats du ressort d’une même cour d’appel, sur les modalités organisationnelles de la communication électronique en matière civile.

Dans la mesure où ces modalités seront régulièrement impactées au cours des prochaines années par le déploiement progressif de Portalis et notamment son portail des auxiliaires de justice, la récurrence de la concertation sur le terrain s’imposera ; elle devrait aussi être favorisée plus en amont, et mieux intégrée dans les instances de pilotage du PTN, dans une logique de gouvernance plus efficace.

Par ailleurs, sous couvert d’aborder des questions purement fonctionnelles ou organisationnelles, ces rencontres récurrentes procurent aux praticiens des occasions de dialogue et d’échanges constructifs améliorant une indispensable reconnaissance mutuelle.

Cette singularité devrait être mieux exploitée dans le processus d’accompagnement au changement, ne serait-ce que pour inverser l’image négative du numérique, considéré comme un facteur de déshumanisation de la relation entre les praticiens, alors qu’il pourrait être abordé au contraire comme un outil de revalorisation de ce lien.

2.    Le sujet processuel au cœur de cette concertation.

L’expérience de ce dialogue récurrent révèle en effet que sous couvert d’un objet purement technique, les parties abordent nécessairement les règles fondamentales du procès et s’assurent du strict respect des règles de procédure.

Elles contribuent en réalité à améliorer singulièrement leur conscience du rôle de chacun dans le processus judiciaire.

2.1.              Nécessaire respect des règles de procédure

La Cour de cassation a eu à plusieurs reprises l’occasion de rappeler, parfois sévèrement, que les conventions de procédure et autres guides pratiques convenus entre juridictions et barreaux n’avaient pas vocation à amender, retrancher ou compléter le droit positif de la procédure.

Si ce rappel parait procéder de l’évidence, il révèle aussi la complexité de l’exercice sur le terrain, et en creux, sa richesse potentielle comme facteur de rapprochement durable entre les praticiens.

Les parties sont en effet régulièrement confrontées aux contingences purement matérielles qui ont trait au manque récurrent de moyens, notamment en personnels au niveau du greffe, ou encore aux limites techniques parfois très frustrantes des logiciels en production dans les juridictions.

A titre d’illustration, on peut citer l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 26 septembre 2019[7], qui casse sans renvoi un arrêt de la cour d’appel de Douai qui avait admis la recevabilité d’un recours nullité régularisé sous forme papier à l’encontre d’une sentence arbitrale rendue en dernier ressort.

Dans cet arrêt, la Cour de cassation n’a pas reconnu l’impossibilité pour le recourant de réaliser son acte sous forme électronique.

La cour d’appel dont l’arrêt lui était soumis avait admis la recevabilité du recours qui n’avait pas été effectué sous la forme électronique, à partir d’une analyse du périmètre des arrêtés techniques de mise en œuvre de la communication électronique qui ne visaient pas ce recours particulier, non plus que la convention de procédure locale.

La Cour de cassation a cassé sans renvoi cet arrêt en rappelant que les conventions passées entre une cour d’appel et les barreaux de son ressort, aux fins de préciser les modalités de mise en œuvre de la transmission des actes de procédure par voie électronique, ne peuvent déroger aux dispositions du code de procédure civile, en l’occurrence les articles 930-1 et 1495 du code de procédure civile.

En l’espèce, ce n’était pas tant la convention elle-même que la Cour de cassation critiquait, mais plutôt la mobilisation de celle-ci par le recourant qui entendait justifier son choix de ne pas utiliser la voie électronique par l’examen du périmètre de la communication électronique obligatoire.

Mais les auteurs de la convention de procédure en question n’avaient pas décrit les modalités du recours en annulation d’une sentence arbitrale au titre des actes qui devaient être réalisés électroniquement, tout simplement parce qu’ils en avaient constaté l’impossibilité technique.

Or la qualification juridique de cette impossibilité qui était susceptible de constituer une cause étrangère à celui qui accomplit l’acte relevait exclusivement de l’appréciation souveraine des juridictions.

Il était donc normal que le sujet ne fût pas traité dans la convention locale.

Manifestement, cette impossibilité technique a été sous-évaluée, et la procédure se poursuit désormais devant la Cour européenne des droits de l’Homme[8].

Ceci illustre également un autre changement induit par la transformation numérique dont la mise en œuvre, loin de se réduire à une dimension purement fonctionnelle et organisationnelle, appelle en réalité une réflexion mieux partagée entre les praticiens, non plus seulement au sein d’une même juridiction, mais aussi entre juridictions de différents degrés.

2.2.              Un exercice de rencontre obligatoire

Il apparait très vite aux praticiens qui se rencontrent sur le terrain pour négocier ces conventions locales de procédure et autres guides pratiques, que l’exercice leur impose de reconnaitre en permanence le rôle, les besoins et les contraintes de l’autre.

D’un côté, les juridictions représentées par les magistrats et greffiers peuvent avoir une tendance légitime à vouloir simplifier la tâche intrinsèquement fastidieuse des manipulations et prioriser leurs besoins de fluidification des stocks d’affaires.

Elles peuvent tout aussi légitimement chercher à améliorer leurs conditions de travail.

D’un autre côté les avocats, pleinement dans leur rôle de défenseurs des libertés, peuvent tout aussi légitimement chercher à préserver un périmètre le plus large possible des choix d’interaction avec les applicatifs, ou plus prosaïquement, travailler à intégrer dans le fonctionnement de leurs cabinets les transferts de charges qui résultent de cette transformation numérique.

Cette confrontation de besoins parfois contradictoires impose pour sa résolution une reconnaissance sincère du rôle de chacun dans le processus judiciaire.

Les avocats sont en effet conscients des difficultés subies par les juridictions à raison du manque récurrent de moyens, qu’ils subissent par répercussion et les justiciables avec eux, en dépit des augmentations historiques du budget de la justice.

Leur empathie est donc acquise aux magistrats et aux greffiers.

Ces derniers, légalistes par culture, reconnaissent en retour l’impossibilité d’amender, retrancher ou compléter par voie de convention les règles du code de procédure civile ; de même, réfléchis en dehors du contexte de l’audience, les droits de la défense sont bien mieux compris dans leur nature même, et la diversité de leur exercice est mieux admise.

L’accord émerge en général de la capacité des parties à discerner, reconnaitre et respecter pleinement le rôle de chacun.

Et de la qualité de cette reconnaissance mutuelle dépendra la performance des modalités organisationnelles adoptées.

Au terme de ce processus de concertation, magistrats, avocats et greffiers ont en outre enrichi leur capacité à se comprendre sans être complice, à se reconnaitre pleinement sans connivence ni compromission, ce qui améliore leur capacité à appréhender les difficultés de l’audience, et la qualité de leur relation dans son ensemble.

3.    Une convergence avec un besoin identifié et partagé

Entre la nature même de l’audience qui est un lieu de tension, les missions propres à chacun de ses acteurs, la distanciation entre les professions engendrée par l’évolution des organisations des palais et de leurs normes d’accès, ou encore les effets persistants du manque de moyens, ce sont les relations entre magistrats, avocats, greffiers, déjà complexes par essence, qui se sont distendues.

Pour faire face à cette dégradation contre-productive, les initiatives se sont multipliées, qui visent à recréer des lieux d’échanges et de rencontres permettant de croiser les regards et les analyses de plusieurs déontologies distinctes concourant à une œuvre commune, sur la base de valeurs partagées qui irriguent les principes fondamentaux du procès.

Des initiatives nationales se sont faites jour telles l’organisation d’un premier colloque sur l’éthique de la relation judiciaire à l’initiative conjointe du CNB et de l’ENM pérennisé sous forme d’assises avocats/magistrats/greffiers/personnels de greffe[9], ou la constitution du comité consultatif conjoint de la déontologie de la relation magistrats avocats sous l’impulsion de la Cour de cassation[10].

Mais l’éthique et la déontologie de la relation entre les magistrats, les avocats, les greffiers et les personnels de greffe sont des sujets éminemment opérationnels, qui nécessitent des relais au sein même des juridictions pour être travaillés à ce niveau en priorité.

Cette relation est en effet très vivante, elle implique les magistrats, avocats et greffiers quotidiennement sur le terrain.

Or précisément, les comités de suivi du déploiement de la communication électronique procédurale constituent des maillons pertinents au travail de cette relation.

Sous couvert du traitement de simples modalités organisationnelles des échanges électroniques, ces comités sont naturellement amenés à aborder ces questions, et pourraient envisager d’étendre leurs travaux à des sujets immédiatement limitrophes, telle la valorisation de l’instruction des dossiers en matière civile autour du juge de la mise en état, ou le réaménagement des audiences pour rendre celles-ci plus utiles tant aux magistrats qu’aux avocats.

Faire monter en puissance ces comités de suivi pourrait en outre contribuer à favoriser la conduite du changement en matière de transformation numérique, injustement associée à la distanciation des relations entre les praticiens judiciaires, en l’associant au contraire plus étroitement à la revalorisation de la relation entre les magistrats, les avocats et les greffiers.

Enfin, elle donnerait l’occasion de mieux structurer la réflexion d’ensemble et d’améliorer la fluidité des échanges entre les acteurs de la justice du quotidien au sein des juridictions de différents degrés, en lien avec les organes nationaux.

S’agissant de la transformation numérique, les différentes instances de pilotage et de suivi de la mise en œuvre du PTN devraient intégrer en leur sein des représentations directes des utilisateurs finaux sur le terrain, internes et externes au ministère de la justice.

S’agissant de l’éthique et de la déontologie des relations entre les magistrats, les avocats et les greffiers, le travail de concertation mené sur le terrain pour le déploiement de la communication électronique procédurale constitue une source de réflexion utile et bien plus riche qu’il n’y parait.

Les chantiers de la transformation numérique de la justice intègrent nécessairement les réflexions sur le déroulement du procès et les interactions entre ses acteurs.

Ils constituent donc des occasions privilégiées procurées à ces derniers de se rappeler mutuellement leurs rôles fondamentaux respectifs et de revaloriser leurs relations.

Les comités de suivi mis en place dans les juridictions pour accompagner le déploiement de la communication électronique procédurale méritent donc d’être mieux structurés et mieux exploités pour ce qu’ils sont, c’est-à-dire des espaces de rencontres privilégiés participant à la fois à la conduite du changement induite par le PTN, mais aussi à la revalorisation du lien entre les partenaires de justice, tenus de se recentrer sur leur rôle fondamental, tout en développant une écoute élargie à celui de l’autre.


[1] Le plan de continuité d’activité des juridictions judiciaires pendant la crise sanitaire liée à l’épidémie de covid 19 – mai 2021 page 93

[2] Les enjeux structurels pour la France, améliorer la gestion du service public de la justice – cour des comptes – octobre 2021

[3] Chantiers de la justice – transformation numérique – Jean François Beynel et Didier Casas – 2018

[4] Georges Teboul – Les relations magistrats/avocats : conflit ou apaisement ? – Dalloz actualité 01 octobre 2020 – Rapport de la mission sur l’avenir de la profession d’avocat dit Perben – juillet 2020

[5] LOI n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle – article 22

[6]https://www.cnb.avocat.fr/fr/actualites/au-civil-comme-au-penal-deux-conventions-pour-faciliter-les-echanges-entre-les-juridictions-et-les

[7] Cass. 2e civ., 26 sept. 2019, n° 18-14.708, P+B+I : JurisData n° 2019-016496

[8] Requête no 15567/20 Xavier LUCAS contre la France introduite le 17 mars 2020 http://hudoc.echr.coe.int/fre?i=001-208718

[9] https://fr.zone-secure.net/109394/1434634/#page=13

[10] https://www.courdecassation.fr/toutes-les-actualites/2021/05/26/reunion-du-conseil-consultatif-conjoint-de-deontologie-de-la

Dalloz actualité 24 décembre 2020

Communication par voie électronique en procédure : 15 ans plus tard, y a-t-il (enfin) un pilote dans l’avion ?1 – Avocat | Dalloz Actualité (dalloz-actualite.fr)

Ou de l’art et la manière d’asphyxier la justice

Le titre XXI du livre Ier du code de procédure civile, intitulé « la communication par voie électronique » va fêter ses quinze ans à la fin de l’année2.

L’adoption de cet ensemble d’articles dont la portée est tout à fait générale semblait marquer la volonté de la Chancellerie de faire entrer la justice dans le monde numérique d’aujourd’hui.

L’idée d’intégrer l’emploi des nouvelles technologies dans le fonctionnement judiciaire quotidien nourrissait pourtant les espoirs de résoudre beaucoup d’équations devenues apparemment insolubles.

On pouvait rêver de concilier célérité et qualité, effectivité et accessibilité, avec à la clé un budget mieux maîtrisé et la possibilité pour les praticiens de se recentrer sur leur cœur de métier.

Quinze ans plus tard, on ne compte plus les approximations, les inadéquations, les incohérences qui émaillent la mise en œuvre de ce chantier pourtant hautement stratégique, conduisant à des résultats inverses des objectifs poursuivis que le confinement n’a fait qu’éclairer sous un jour blafard.

De l’aveu même de ses plus hauts représentants, l’institution judiciaire accuse de nombreuses failles technologiques3.

C’est peu dire en réalité, d’une infrastructure informatique indigente, obsolète, inadaptée et non structurée, associée à une production textuelle procédurale anarchique.

1. La communication par voie électronique ne se décrète pas, elle se construit.

Face à ce constat, appeler de ses vœux de faire de la dématérialisation une réalité dans toutes les juridictions ne suffit plus.

Depuis quinze ans, l’emploi de la communication par voie électronique devenu obligatoire dans beaucoup de procédures est déjà censé être une réalité dans beaucoup de juridictions et dans le quotidien des praticiens.

Mais l’empilement de solutions technologiques peu compatibles entre elles et sans réelle cohérence, la production frénétique de règles de procédures et autres arrêtés techniques sans la moindre réflexion d’ensemble ni égard pour ce qui est techniquement possible sont autant de travers régulièrement dénoncés tant par les praticiens que par les universitaires, en vain4.

Les approximations qui en résultent compromettent la sécurité des procédures, engendrent du contentieux inutile et font perdre aux praticiens un temps et une énergie d’autant plus précieux que la justice manque effectivement de moyens.

2. Tâtonnements et approximations contre-productives

On peut rappeler comment de 2006, époque des premières expérimentations, à l’adoption à l’initiative du Conseil national des barreaux du décret n° 2010-434 du 29 avril 2010 créant la règle d’équivalence des signatures, toutes les notifications procédurales pourtant faites au travers des réseaux dédiés (RPVA, RPVJ) via leur interconnexion étaient textuellement nulles, faute de signature juridiquement valable5.

Cette règle à l’origine temporaire a été en définitive élargie au parquet, puis prorogée dans sa durée, pour être finalement pérennisée par son intégration à l’article 748-6, alinéa 2, du code de procédure civile par le décret n° 2018-1219 du 24 décembre 2018.

On peut aussi rappeler comment le parquet lui-même, prenant ainsi le contre-pied de sa tutelle, a entrepris de soulever dans plusieurs affaires la nullité des notifications électroniques qui lui étaient faites dans les procédures civiles dans lesquelles il est partie principale6.

On peut comprendre sa frustration, dès lors que malgré ses fonctions judiciaires dans certaines procédures civiles, il n’est pas identifié comme partie à part entière par les logiciels en production sur les serveurs des tribunaux judiciaires et des cours d’appel, ce qui est également source de contentieux7.

Autre exemple, le décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 est venu ajouter au contenu de la déclaration d’appel et à peine de nullité le visa des chefs du jugement critiqué.

Sauf que, techniquement, le champ dédié dans les serveurs du greffe ne peut pas contenir plus de 4 080 caractères, alors que la déclaration d’appel est un fichier électronique unique au format XML, censé contenir autant de caractères que nécessaire à peine de nullité (C. pr. civ., art. 901 et 930-1).

L’adoption trois ans plus tard d’un simple arrêté technique en date du 20 mai 20208 proclamant en ses articles 4 et 8 que la pièce jointe à une déclaration d’appel ferait corps avec elle n’est pas de nature à valider de manière suffisamment sûre une exception à une règle issue d’un texte de valeur supérieure.

Au passage, cet arrêté ouvre la communication électronique avec la juridiction du premier président à compter du 1er septembre 2020 et, une fois de plus, les praticiens, non informés et sans instructions particulières, restent livrés à eux-mêmes (communication électronique facultative ou obligatoire ? selon quels critères ?)9.

Autre exemple encore, l’obligation de prise de date introduite à l’article 751 du code de procédure civile par le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019.

Là encore, le législateur ne s’est pas soucié des moyens matériels à la disposition des praticiens pour assurer l’effectivité de cette obligation nouvelle dont l’entrée en vigueur est régulièrement reportée, signe d’une absence de maîtrise du sujet.

Ceci rappelle l’adoption puis l’entrée en vigueur de la communication électronique obligatoire en première instance, initialement instituée par l’ancien article 796-1 du code de procédure civile issu du décret n° 2017-892 du 6 mai 2017, dont l’entrée en vigueur avait été différée au 1er septembre 2019, on l’imagine, pour permettre l’adaptation des outils dédiés de communication électronique.

Ceci aurait été d’autant plus utile qu’eu égard à son insertion dans le code de procédure civile à l’époque10, cette disposition avait vocation à concerner également la procédure à jour fixe des articles 788 à 792 du code de procédure civile à l’époque, initiée par une requête à fin d’y être autorisé, pour laquelle il n’existe en effet aucun outil informatique dédié.

À peine trois mois après l’entrée en vigueur du texte, la chancellerie rétropédalait en réécrivant la règle de la communication électronique obligatoire en première instance qui figure désormais à l’article 850 du code de procédure civile, pour en exclure expressément la requête à fin d’être autorisé à assigner à jour fixe11.

Au moins, par cette régression, la règle est-elle désormais claire et insusceptible d’interprétation, et donc de contentieux stérile dont les issues préjudicient nécessairement à l’une des parties, mais en l’occurrence l’amateurisme est patent.

Il en va de même du recours nullité à l’encontre d’une sentence arbitrale rendue en dernier ressort.

Pour un tel recours en effet, le praticien doit se défendre d’utiliser le module « enregistrer une déclaration d’appel » puisque, par hypothèse, l’appel est irrecevable, et la cour n’a pas le pouvoir ici de requalifier un recours formalisé par une partie12.

Le praticien doit donc se tourner vers le module « enregistrer une déclaration de saisine », qui le laisse là encore perplexe puisque dès la seconde page du processus informatique, il lui est demandé d’enregistrer le demandeur sous l’intitulé « appelant » et le défendeur sous l’intitulé « intimé ».

Comment une cour d’appel est-elle censée qualifier un tel recours pour lequel les parties s’appellent respectivement « appelant » et « intimé » ?

C’est encore au détriment du praticien et du justiciable que ces questions sont résolues, a posteriori, par la Cour de cassation qui, en l’occurrence, fait totalement abstraction de ces approximations techniques pour juger que la déclaration de recours nullité est obligatoirement électronique13.

L’insécurité juridique et procédurale qui découle de ces approximations est insupportable pour le praticien qui, à rebours du but recherché, doit perdre son temps à décortiquer et résoudre des questions de procédure aussi stériles qu’évitables.

Et les approximations continuent de s’accumuler.

Pendant quelques semaines après le confinement, les avocats ont eu accès, via le module « nouveau message pénal », à la plupart des… conseils de prud’hommes de France, notamment.

Passée la surprise à l’idée de communiquer via un module dédié à la communication électronique pénale avec une juridiction exclusivement civile, on aurait pu espérer que cet accès nouveau répondait à un objectif précis, par exemple anticiper un nouveau confinement en combinant cet accès « détourné » aux juridictions avec la plateforme d’échanges dématérialisée dénommée PLEX14.

Là encore, l’espoir était de courte durée, puisqu’en définitive, la Chancellerie a retiré ces adresses, sans plus d’explications.

Ceci est d’autant plus frustrant que cet arrêté technique dédié à la plateforme PLEX est strictement conforme aux exigences des dispositions de l’article 748-6 du code de procédure civile de sorte que l’outil bénéficie de la règle d’équivalence des signatures15.

Cette plateforme pourrait permettre aux avocats de faire parvenir aux juridictions les dossiers accompagnés des pièces, de mener les instructions et mises en état de tous les dossiers en procédure écrite et de réserver les audiences à l’essentiel ; associé à la communication par voie électronique via le RPVA et le RPVJ avec l’ensemble des juridictions, il serait une parade tout indiquée en cas de reconfinement16.

Ainsi, la Chancellerie veut-elle se donner l’impression d’être moderne en se contentant de décréter que, désormais, la communication électronique serait obligatoire ici ou là, sans se soucier de savoir si les outils existent, sont opérationnels et assurent le respect du code de procédure civile.

Ces difficultés ne relèvent pas tant d’une question de moyens que d’un manque de vision d’ensemble.

3. Une occasion inédite de dialogue entre praticiens

Las de ces approximations dispendieuses (les quantités de travail stérile imposées aux praticiens sont immédiatement coûteuses) et contre-productives (puisque la justice en sort alourdie, ralentie et moins accessible), les praticiens tentent de s’organiser.

À Lille par exemple, le barreau a mis à disposition de la juridiction un applicatif permettant de connecter le bureau d’aide juridictionnelle ou le greffe de l’assistance éducative au RPVA.

D’autres initiatives sont en cours de concertation, toujours dans l’objectif de tenter de tirer le meilleur profit de la communication par voie électronique telle qu’elle est matériellement praticable, tout en veillant à un niveau décent de sécurité procédurale.

L’intégration de l’emploi des nouvelles technologies de l’information dans le domaine judiciaire constitue une occasion inédite de dialogue entre praticiens sur le terrain17.

Cette concertation au niveau local est une excellente occasion pour les praticiens de se reconnaître mutuellement dans les missions qui leur sont propres en se rappelant à quel point leurs serments se répondent, le rôle de chacun prenant sens par le concours de l’autre à la mission commune de justice.

4. Un nécessaire changement de regard

Trois points essentiels nécessitent un changement urgent de regard.

Le premier a trait au manque d’association des greffiers aux processus de concertation.

Trop souvent, les représentants des greffes sont écartés de l’élaboration des conventions de procédure mises en place entre les juridictions et les barreaux.

Il s’agit là d’une erreur tant juridique que stratégique.

Juridiquement, dès lors qu’il revient aux directeurs de greffe en application des dispositions de l’article R. 123-4 du code de l’organisation judiciaire d’exprimer les besoins de la juridiction et d’allouer les moyens octroyés à cette dernière, ils ont un intérêt propre (comme un intérêt à agir en quelque sorte) à être acteurs à part entière de ces concertations.

Stratégiquement, le greffier est au cœur de la machine judiciaire et en assure le fonctionnement concret ; il en connaît donc les capacités ergonomiques et techniques.

C’est bien d’ailleurs l’absence de moyens techniques permettant au greffier de se connecter à distance sur les logiciels des services des différentes juridictions qui a eu le plus d’impact sur leur fonctionnement pendant le confinement18.

Le second point à corriger est le mépris avec lequel le juriste praticien aborde les nouvelles technologies, qu’il considère comme de la tuyauterie indigne de sa personne.

Le potentiel des nouvelles technologies ne se limite pas à remplacer une machine à écrire par un ordinateur doté d’un traitement de texte.

Sans parler de l’accès à la connaissance juridique, c’est l’ensemble de l’accès aux informations, aux pièces et aux actes d’un dossier, leur circulation entre les acteurs concernés et leur traitement qui sont impactés et qui nécessitent de demeurer constamment attachés aux principes fondamentaux d’indépendance, de contradictoire, de loyauté, d’accès effectif et de plein respect des droits de la défense.

Cela exige une pleine conscience de la nature de ces technologies, de leur fonctionnement, leur structuration en réseau et leur maintenance évolutive, mais aussi des changements qu’elles opèrent dans les processus intellectuels de pensée, de lecture des dossiers et d’élaboration du raisonnement.

Cette conscience est incontournable à chaque fois que le législateur énonce une règle impliquant la communication électronique ; il s’agit d’être certain que les règles qu’il édicte sont pleinement et incontestablement applicables et, à défaut, en conscience, de renoncer à l’édicter.

Le troisième écueil découle en partie du précédent et a trait aux fantasmes nourris par le développement et la diversification des usages des nouvelles technologies dans nos sociétés.

Accélération, automatisation, ubérisation des professions du droit, robotisation de la justice, sont autant de thématiques plus ou moins fantasmées qui questionnent, et dont l’approche nécessite une constante lucidité.

De même, le recours à l’intelligence artificielle et le traitement massif de données viennent questionner l’éthique de la justice à plus d’un égard, ouvrant de nombreux champs de réflexion19.

La justice dans un état de droit répond à des exigences intangibles, un socle de valeurs fondamentales qui permet de formuler les réponses à la plupart des questions que ces évolutions font émerger.

Il ne faut pas non plus se méprendre sur les capacités des nouvelles technologies de l’information.

Techniquement, en effet, la plus grande intelligence artificielle ne peut automatiser que ce qui est déjà connu, elle est incapable de créer les déclinaisons, les interprétations, les évolutions de la règle de droit en réponse aux évolutions d’une société humaine vivante et libre et des situations nouvelles que ces évolutions font émerger.

Or c’est là que se tient l’une des missions essentielles de la justice, qui est le plus souvent la première institution à devoir fournir des réponses sur toutes situations nouvelles émergentes en société.

Au-delà de l’arbitrage de différends sur des situations connues, c’est cette capacité à accompagner ces évolutions créatrices ou révélatrices de droits qui favorise la paix sociale et contribue à donner sens à l’indispensable pérennité de l’état de droit.

C’est en son sein qu’émergent à peu près tous les nouveaux sujets d’évolution sociale20, et ce sont ses propres règles fondamentales de fonctionnement (accès pour tous, effectivité, débat contradictoire, indépendance et impartialité du juge, indépendance de l’avocat et garantie des droits de la défense en toutes circonstances) qui procurent à une société libre et vivante les moyens de sa propre évolution.

Une machine aussi puissante soit elle ne peut rien créer ; tout au plus peut-elle lire et redistribuer au travers de réseaux plus ou moins complexes ce que l’homme a déjà écrit, fait ou créé.

En outre, il lui manquera toujours un cœur, de l’empathie, une intelligence émotionnelle, de l’intuition, de l’imagination et une indispensable capacité à rêver.

Il est essentiel d’aborder ces questions avec apaisement et de discerner dans les usages et développements des nouvelles technologies au sein de l’institution judiciaire ceux qui sont indispensables, ceux qui sont utiles et ceux qui demeurent accessoires ou réservés à des circonstances exceptionnelles.

Plutôt que de considérer qu’il y aurait, d’un côté, la matière noble, le droit, et, d’un autre côté, la technique, réduite à sa dimension de simple machinerie plus ou moins diabolisée, il est urgent d’associer étroitement le travail du technicien à celui du législateur pour élaborer des solutions communes alors que de fait, il est de plus en plus difficile de distinguer la technologie du droit21.

Le juriste devrait être plus attentif à ce qui émerge de la rencontre entre ces deux domaines, la naissance d’un droit processuel numérique en voie d’autonomisation et susceptible d’autocréation.

Le droit et la technologie s’entremêlent inéluctablement au point d’engendrer des concepts propres.

Sans vision d’ensemble et sans capacité pour leurs concepteurs de passer instantanément du verbe au code et du micro au macro dans la compréhension de ce qu’ils mettent en œuvre, sans faculté de considérer dans le même trait de temps l’ordinateur individuel et la structure globale du réseau auquel ce dernier est connecté, il est impossible de mener utilement ces développements matériels, techniques et juridiques.

Ce sont ces logiques qui devraient guider la structuration de l’organisation du développement juridique et technologique au sein de la chancellerie, sous peine de reléguer la volonté de faire entrer la justice dans le XXIe siècle au rang de simple concept marketing.

Notes

1. C. Laporte, Communication électronique : y a-t-il un pilote dans l’avion ?, Gaz. Pal. 2 juin 2013, p. 8.

2. Ce titre a été ajouté au livre Ier du C. pr. civ. par l’article 73 du décr. n° 2005-1678 du 28 déc. 2005. Il est entré en vigueur le 1er janvier 2009.

 3. Tribune de Mme Chantal Arens, première présidente de la Cour de cassation, Le Point, 7 mai 2020, p. 63.

4. « Cauchemar pour les praticiens, la communication électronique obligatoire est aussi un chaos réglementaire et jurisprudentiel » (H. Croze, obs. ss Civ. 2e, 6 sept. 2018, n° 16-14.056, Procédures 2018. Comm. 321).

5. E.A. Caprioli, La signature électronique dans les communications par voie électronique en matière de procédure civile, CCE n° 7-8, juill. 2010, comm. 80.

6. Douai, 1re ch., 1re sect., 8 déc. 2016, n° 15/02780 ; Civ. 1re, 7 févr. 2018, n° 17-50.008.

7. Rennes, 9 oct. 2018, n° 18/011441 ou encore Civ. 2e, 28 sept. 2017, n° 16-21.881, Dalloz actualité, 12 oct. 2017, obs. R. Laffly ; D. 2018. 692, obs. N. Fricero .

8. NOR : JUST2002909A.

9. H. Croze, Cour d’appel. Communication électronique, Procédures n° 7, juill. 2020, comm. 116.

10. Sect. IV nouvellement créée du chap. Ier du sous-titre Ier du titre Ier du livre II du code de procédure civile (C. pr. civ., art. 750 à 796-1).

11. Décr. n° 2019-1333, 11 déc. 2019, art. 4.

12. Civ. 1re, 11 mai 2016, n° 14-29.767, Dalloz actualité, 26 mai 2016, obs. X. Delpech ; RTD com. 2016. 698, obs. E. Loquin  ; L. Weiller, Qualification du recours et office du juge en matière d’arbitrage, Procédures 7/2016, comm. 232.

13. Civ. 2e, 26 sept. 2019, n° 18-14.708, Dalloz actualité, 2 oct. 2019, obs. C. Bléry ; D. 2019. 1891  ; ibid. 2435, obs. T. Clay  ; L. Weiller, Recevabilité du recours en annulation : le RPVA s’impose !, Procédures 12/2019, comm. 320.

14. A. Coignac, Les tribunaux judiciaires à l’épreuve de la crise sanitaire, JCP 2020. 624.

15. NOR : JUST1927458A.

16. L. Cadiet, Covid-19 : et maintenant ?, Procédures 6/2020, repère 6.

17. G. Sabater, Nouvelles technologies et système judiciaire. Le déploiement de la communication dans les juridictions judiciaires, JCP 2008. Doctr. 223.

18. V. A. Coignac, art. préc.

19. Le Conseil d’État, le Conseil national des barreaux et l’Ordre des avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation soulignent la nécessité d’une régulation des algorithmes utilisés pour le traitement des décisions de justice. La justice doit être accessible et la Cour de cassation s’engage à relever le défi en utilisant les potentialités des technologies appliquées au droit. Entretien avec Chantal Arens, première présidente de la Cour de cassation, JCP 2020. 373.

20. V. par ex., en matière de gestation pour autrui, V. Égéa, Refus d’exequatur d’un jugement californien, Dr. fam. 6/2020, comm. 93 ; pour un exemple remarquable en matière de justice administrative, v. L. Erstein, Pas de glyphosate dans la commune, JCP adm. n° 46, 2019, act. 725.

21. T. Saint-Aubin et L. Vidal, Le droit est mort, vive le droit !, Revue pratique de la prospective et de l’innovation n° 1, mai 2020, dossier 2.